Témoignages des missions de ravitaillement


A bord du B-24 sur Lyon Bron


Intimement lié au sort du B-24 STEW BUM, le pont aérien sur Bron se raconte par les témoignages nombreux des équipages du 451st, 461st et 484th Bombardment Group de Torretta en Italie.
Du 10 septembre au 22 septembre, 200 vols de ravitaillements vont avoir lieu. Rejoignez-les en retournant 80 ans en arrière, vous voilà en vol pour Lyon, la Ville des Lumières...





Stanley PERLMAN


Le premier témoignage est tiré du journal de Stanley PERLMAN (du 451st Bomber Groupe, 726th Bomber Squadron). Il est chef mécanicien (exactement Technical Sergeant), il fait partie du personnel de maintenance au sol.

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Stanley a quitté les USA depuis la Floride le 9 décembre 1943 dans d'un B-24 (42-52082 #43 Crew 37, Nose-art : The A train)  pour l'Italie. Son trajet passe par Trinidad, puis Belem au Brésil, Natal, la traversée Océanique pour Dakar, Marrakech , Teleghma (Algérie). Il reste en Algérie jusqu'au 20 janvier 1944, les pistes n'étaient pas terminées en Italie.
Il effectue la maintenance de plusieurs appareils, il est témoin de nombreux accidents, d'avions qui ne reviennent pas, ou qui reviennent avec des morts et blessés à bord... Les conditions de vie dans le sud de l'Italie sont difficiles, beaucoup de boue, de poussières, des rations militaires pas très bonnes...

En septembre 1944 c'est le début des vols de ravitaillement sur Bron, il indique :
11/09/1944 : « Les gars vont effectuer des allers-retours sur Lyon, France. Actuellement l'armée nous transforme en avion cargo pour ravitailler les troupes en France. Comme tous les ponts sont détruits et que la ligne d'approvisionnement est coupée très en arrière, nous allons apporter du carburant, de l'huile et des bombes aux chasseurs à Lyon. 12 bombes de 500 livres ; 18 barils vides (les gars devront remplir avec le carburant contenu dans les réservoirs Tokyo). »
NDLR : les réservoirs Tokyo étaient des réservoirs additionnels situés dans les ailes pour les vols grandes distances.

Le 22 septembre, il part en vol sur Lyon-Bron pour aider à décharger les avions :
22/09/1944 : « Vendredi. Je pars pour Lyon, France sur l'un des vols de ravitaillement. Je pars sur le B-24 « Klunker »... arrivé à 11h30. Le terrain est tellement rempli d'avion que nous devons tourner en rond pendant au moins une heure. Un  chasseur P-47 est rentré dans un B-24, il lui a arraché l'aile.
Les avions décollent et atterrissent toutes les secondes. C'est vraiment un bel aérodrome. Les Allemands l'ont occupé et ont eu jusqu'à 30 hangars. Il n'y en a plus un debout, seulement des ruines. La raison pour laquelle nous effectuons ces vols est que la 6ème et la 7ème armée américaine sont montées trop rapidement vers Belfort, et qu'elles manquent cruellement de ravitaillement.
Note officier mécanicien nous a donné un laisse-passer pour 2 jours, nous sommes donc allés en ville. Nous y allons en tramway. Je vais essayer de vous décrire le voyage.
Les tramways fonctionnent sur une seule voie. Ils sont rouges et certains sont à toit ouvert, comme ceux que nous avions dans les années 1925-26. Ils ont des bus modernes électriques. Tout le monde est très amical. Tous les gens vous regardent et vous sourient. Il y a de jolies filles dans le lot ! Elles ont de jolies coiffures et sentent bon le parfum. La ville est tellement propre. Le moyen de transport principal est le vélo. Ça n'a rien à voir avec l'Italie. Les gens sont si soignés. Nous sommes arrivés en ville vers 14h. Nous sommes passés au-dessus du Rhône. Tous les ponts ont été endommagés par les Allemands. Ce qu'ils ont fait, c'est faire exploser la section centrale de chaque pont et laisser tomber une travée - ils l'ont fait bien proprement. Il y a environ 12 ponts sur le Rhône. Je les ai photographié.
Nous avons trouvé une chambre d'hôtel à l'écart du centre ville. Ensuite nous sommes allés dîner. La façon dont on vous sert, votre première impression est que vous allez mourir de faim. Ils nous ont servi une salade de tomates avec du jus de cornichon dessus et du pain. Nous avons donc fait le plein de pain et de tomates. C'est vrai qu'on était gavés. Ensuite est arrivée notre soupe, puis des macaronis, puis la viande, les uns après les autres. Nous avons retenue la leçon. Nous avons passé le reste de notre temps aux cafés et aux cabarets le soir. »

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23/09/1944 : « Il pleut aujourd'hui. Je pense qu'on ne va pas pouvoir rentrer. Je me suis promené autour des magasins et cafés. J'ai acheté quelques photos/dessins et affaires. J'ai fait d'autres photos en plus. J'espère qu'elles seront bonnes/développables. J'ai pu me procurer de la pellicule pour 14 francs. »

24/09/1944 : « Il semble que la météo soit assez bonne pour décoller. Je suis retourné à l'aéroport. J'ai d'abord fait le plein de photos. Beaucoup de Français nous arrêtent. C'était Dimanche matin, 'Nous sommes contents de vous avoir ici, les Américains sont toujours les bienvenus'. Donc nous étions, comme ils l'étaient, très amicaux avec eux. Nous avons rencontré un français qui parlait anglais. Il nous a parlé de la dictature des Allemands, concernant le traitement de juif ou de personne circoncise. Comment ils ont exercé des représailles sur des enfants et les ont ... dans une église. Comment ils ont donné de l'eau salée à un groupe de 80 personnes dans un wagon de marchandises et n'ont rien trouvé de vivant lorsqu'ils ont ouvert le wagon. Ils voulaient que tout se passe comme eux le voulaient. Il a dit que c'était l'enfer. Nous sommes retournés à l'aérodrome et nous avons constaté que nous étions dans de beaux draps. Notre groupe a cessé de transporter du ravitaillement. Nous avons fait ce qui était le mieux : nous avons embarqué sur un avion du 484ème et nous sommes allés à Marseille pour rejoindre Rome. Notre voyage jusqu'à Marseille a été magnifique. Nous sommes revenus en avion à 60 mètres au-dessus du sol et avons vu toute la France en descendant. Nous avons passé la nuit à Marseille pour pouvoir prendre l'avion demain matin, un C-47, le 'Rome Courrier'. »


Le B-24 KLUNKER (726th #36) :
De retour de mission en Yougoslavie, se pose à Vis, 13 octobre 1944. Retourne en Italie le 5 novembre 1944. Perdu le 17 novembre 1944 (MACR#9884 : panne de carburant suite aux dommages liés aux combats).



Leslie Edward TOLEEN


Témoignage de Les Toleen (461st BG, 766th B.S. Armament Section). Il parle d'un accident survenu le 22 septembre 1944.

J'étais sergent, affecté au 461ème groupe de bombardement, 766ème escadron, section armement. J'ai rejoint le groupe à Wendover Field, dans l'Utah, puis je suis allé à Hammer Field, en Californie, pour finir vers Cerignola, en Italie, sur l'aérodrome de Torretta, pendant 19 mois.

Au cours de cette période, j'ai eu la chance de participer à l'une des missions de ravitaillement pour livrer du carburant, des bombes, etc. à Lyon, en France. Voici mon récit de cette mission à travers les yeux d'un des membres du personnel au sol.
La mission était affichée sur un panneau d'affichage demandant des volontaires, alors j'ai pensé m'inscrire pour voir ce que cela ferait de prendre part activement à un véritable mission.
Tôt le matin du jour suivant, après le petit-déjeuner, je me suis rendu à la zone de vol et j'ai été déposé à l'avion avec le reste de l'équipage. On m'a dit que lorsque nous atteindrions Lyon, mon travail consisterait à basculer les bombes de 500 livres sans détonateur sur le sol et à aider à décharger les fûts de 55 gallons de carburant aviation.
Nous sommes ensuite montés à bord de l'avion et j'ai rejoint les membres de l'équipage qui étaient tous serrés à l'avant de l'avion (NDRL : l'avion étant lourdement chargé, pour un meilleur centrage, la masse que représentait l'équipage devait être située le plus possible vers l'avant de l'avion).
Les moteurs ont été mis en marche et quelqu'un m'a crié à l'oreille : 'Descends et éteins l'A.P.U. (l'unité de puissance auxiliaire) quand nous aurons décollé, je te dirai quand'.

Nous étions alors en train de rouler hors de la zone aménagée et, croyez-le ou non, nous étions si lourdement chargés que la queue du bombardier raclait le sol. Nous avons lentement atteint l'extrémité de la piste et, tout en appliquant les freins, le pilote a fait tourner les quatre moteurs à plein régime. Enfin, lorsqu'il a reçu le feu vert de la tour de contrôle, il a relâché les freins et l'avion s'est mis à avancer lentement.
Alors qu'il commençait à prendre de la vitesse, j'ai entendu une voix crier : 'On ne va pas y arriver ! On ne va pas y arriver !' ... Finalement, j'ai senti l'avion décoller du sol et nous sommes partis. Une fois en vol, j'ai reçu l'ordre d'éteindre l'A.P.U. et nous avons été dispersés dans la section de la taille et dans d'autres parties de l'avion.

Après avoir survolé la Sicile, nous sommes passés au-dessus du port de Marseille, en France, où des centaines de bateaux étaient amarrés, puis nous avons volé à une altitude plus basse, où nous avons survolé des champs verts et des fermes aux tuiles rouges.
Enfin, nous avons atteint notre destination à l'aéroport de Lyon, où nous avons atterri et roulé pour y déposer notre cargaison. Après avoir retiré les bombes de l'avion, nous avons déchargé les barils de carburant.
L'équipage est ensuite parti pour le centre-ville pendant que je gardais l'avion.

L'aéroport est très fréquenté : Les B-24 atterrissent et roulent pour décharger leurs bombes et le carburant. Des avions de chasse de toutes sortes décollent également dans toutes les directions. Juste devant moi, j'ai vu un P-47 Thunderbolt décoller, et au même moment, j'ai observé un B-24 qui se dirigeait vers le parking de notre avion. Le pilote de l'avion de chasse n'a manifestement pas vu le B-24 avant qu'il ne soit trop tard pour éviter la collision. Le P-47 a percuté le moteur n°4 du bombardier et a arraché une partie de son aile.

Le Thunderbolt s'est alors élevé verticalement jusqu'à environ 500 pieds, puis a plongé vers le bas jusqu'à ce que le nez de l'avion percute le sol. Le pilote s'est détaché et a sauté hors de son cockpit. Pas d'incendie, pas de blessés, pas plus de dégâts à l'exception d'un B-24 fumant qui roule sur la piste avec un moteur en moins !

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Le voyage de retour s'est déroulé sans incident. Les nuages nous ont caché la vue pendant la majeure partie du trajet de retour. Dans l'ensemble, je me souviendrai toujours de cette journée. J'entends encore cette voix qui criait 'On ne va pas y arriver !'... J'aurais aimé que quelqu'un lui dise de la fermer !



Bert ABENTS


Extrait du journal 'The 461ST LIBERAIDER' (page 4, juin 1996) : Témoignage de Bert Abents (766th B.S.) également à Lyon le 22 septembre 1944.
Un incident grave s'est produit alors que les B-24 atterrissaient sur l'aérodrome. Nous venions d'atterrir et nous sortions de nos avions lorsque nous avons remarqué 3 'Jugs' (des P-47. Le P-47 Thnuderbolt était surnommé 'la cruche') qui décollaient avec chacun une bombe de 500 livres sous leur fuselage. Un B-24 venait d'atterrir et tournait à gauche quand, pour une raison quelconque, il s'est arrêté. Le leader des P-47 tente de passer l'aile gauche du B-24, mais n'y parvient pas et la traverse. Il a décollé un peu et a atterri droit devant lui dans un champ, le pilote est sorti de son avion et s'est dirigé vers nous. L'aile du B-24 a été complètement arrachée et il n'y a pas eu d'incendie.
C'est un miracle que personne n'ait été blessé. Le P-47 est un oiseau coriace !

Vous avez mentionné que le personnel de Lyon laissait juste assez de carburant aux B-24 pour leur permettre de rentrer à leur base. Je crois qu'ils nous en avaient pris un peu trop même car en rentrant, à l'approche de notre piste qui était à proximité de la côte, nous avons perdu un moteur par manque de carburant, mais nous nous en sommes sortis. Heureusement, nous n'aurions pas pu aller plus loin.



Stanhope E. Elmore Jr.



Extrait du journal 'The 461ST LIBERAIDER' (page 4, juin 1996) : Témoignage de Stanhope Elmore, officier météo (461ème Groupe de Bombardement)

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J'étais passager d'une mission sur Lyon, la seule mission à laquelle j'ai participé pendant les 18 mois ou presque que j'ai passé avec le 461ème en Italie (les officiers météo n'étaient pas censés effectuer des missions).

Tout d'abord, un peu d'histoire pour vous expliquer comment je suis devenu passager d'un des vol vers Lyon :
En tant que météorologue du groupe, je rédigeais mes propres prévisions, mais lors des briefings, je devais utiliser les prévisions que la 15ème armée m'envoyait par télétype. La plupart du temps, les deux prévisions étaient identiques, mais parfois elles différaient, et généralement elles étaient correctes, mais si elles étaient erronées et que la mission était annulée, j'avais toujours l'autorité de donner une autorisation météorologique pour les vols au départ de Cerignola (Torretta et Castellucio).

Un jour de septembre 1944, j'estimais que le temps était bon pour pour une mission de ravitaillement sur Lyon, mais l'officier météo du quartier général de l'armée de l'air à Bari a annulé la mission. Environ 30 minutes avant la fin de mon service de 8 heures (et le début de mes 32 heures de repos), un pilote m'a supplié de donner l'autorisation météorologique pour un vol à destination de Lyon, parce qu'une pièce importante de maintenance d'un B-24 était nécessaire. Je ne me souviens pas de ce dont on avait tant besoin, mais la demande venait du quartier général du groupe.

J'ai dit au pilote que s'il n'en tenait qu'à moi, je n'aurais pas annulé la mission car je n'y voyais aucun problème météorologique. J'ai alors proposé au pilote de m'emmener en tant que passager, puisque je n'étais pas en service le surlendemain 16 h. Il a accepté et nous avons même tout de suite comploté pour passer la nuit à Lyon.

Nous avons fait un agréable voyage, hormis la traversé d'un front puis l'obligation d'arrêté un moteur et mettre l'hélice en drapeau. Malgré ces problèmes mineurs, nous avons pu obtenir l'aide du major Hudson pour persuader le colonel commandant l'escadre qu'il valait mieux attendre le lendemain pour réparer le moteur, et je lui ai dit que le front se renforcerait dans l'après-midi et qu'il serait dangereux de retourner à Cerignola l'après-midi même.
Nous sommes donc allés à Lyon, échangeant des cigarettes contre de l'alcool, rencontrant de jolies filles et de sympathiques citoyens. Le lendemain, nous avons repris notre avion pour rentrer, après un séjour agréable à Lyon, j'ai pu reprendre mon service à 16 heures.

J'aimerais me souvenir des noms du pilote et de l'équipage, et si l'un d'entre eux se souvient du voyage, j'aimerais avoir de leurs nouvelles.



Bernard C. SHARP


Extrait du journal 'The 461ST LIBERAIDER' (page 5, juin 1996) : Témoignage de Bernard C. Sharp (461ème Groupe de Bombardement), probablement le 10 septembre, puisqu'il parle d'un B-24 en feu (B-24 #22, 461BG, 44-41113).

Mission de ravitaillement sur l'aérodrome de Bron, France

En tant que membre de l'équipe au sol travaillant sur le B-24 n°18 (LADY DUZZ), 764ème escadron, 461ème Groupe de Bombardement, situé à Torretta, en Italie, je me suis demandé ce qui se passait lorsqu'un gros camion a déchargé 18 fûts de 55 gallons de carburant vides à l'entrée de notre parking, puis est arrivé le groupe d'armement avec huit bombes de 500 livres et de nombreuses ceintures de munitions de calibre 50, exactement 3000 cartouches. Lorsque nous avons reçu l'ordre d'enlever la tourelle boule du mitrailleur ventrale de notre bombardier, j'ai su qu'il s'agissait d'une mission de ravitaillement, mais aussi d'une mission très importante puisque tous les autres appareils recevaient la même dotation.

Les bombes sans détonateur ont été accrochées aux racks à bombes et les munitions ont été déposées sur la passerelle dans la soute à bombes. Nous avons ensuite installé les 18 fûts en acier dans la zone des mitrailleurs latéraux, entre l'ouverture du plancher où se trouvait la tourelle ventrale et le panneau de la soute à bombes. Les réservoirs de carburant ont été rempli à leur capacité maximale de 2700 gallons. Tous les éléments de notre avion étaient fonctionnels, il était prêt à voler.

Le capitaine Wyllie, le pilote du 'Lady Duzz', s'adressant à l'équipe sol, a demandé un volontaire pour participer à cette mission de ravitaillement en France. Pensant à l'aventure et au changement de décor dont nous avions tant besoin, j'ai répondu sans hésiter : 'Je viens !'.

Réveillés très tôt le lendemain matin, nous avons été conduits à l'avion pour passer en revue toutes les étapes avant vol avec l'équipe au sol. Le capitaine Wyllie m'a dit que je serais installé seul au niveau des ouvertures pour les mitrailleurs latéraux, car il était important de pouvoir vérifier la bonne rentrée du train d'atterrissage et des volets après le décollage.

C'était une matinée parfaite pour voler, la visibilité était claire et infinie. Nous avons survolé Rome et nous sommes dirigés vers la Corse. Notre distance de vol était d'environ 625 miles (1000 km) et devait durer entre 4 et 4 heures trente. Nous ne volions pas en formation, nous voyagions seuls, mais j'ai vu un autre avion de notre escadron en dessous de nous lorsque nous survolions la Corse. Après 3 heures de vol, nous avons bifurqué vers le nord en suivant le Rhône, en direction de l'aérodrome de Bron, près de Lyon. Volant à une altitude de 1 500 à 2 000 pieds (450 à 600 mètres), en regardant vers le bas, j'ai vu brûler des carcasses de véhicules de combat allemands à une distance de 100 à 200 pieds (30 à 60 mètres) les unes des autres. À chaque tournant de la route menant aux ponts sur le Rhône, deux cratères de bombes bloquaient la route, et la plupart des ponts étaient partiellement sous l'eau. La 12ème Air Force pouvait vraiment être fière du travail qu'elle avait accompli.

Soudain, mon émerveillement a été interrompu lorsque la voix du capitaine Wyllie dans mon intercom a dit : 'Sharp, tu ferais mieux de monter dans la tourelle de queue et de faire attention aux chasseurs allemands, il pourrait y en avoir dans les parages'. Heureusement, il n'y en avait pas et je suis finalement sorti de la tourelle alors que nous commencions notre approche pour atterrir sur l'aérodrome de Bron.
Après m'être assuré que le train d'atterrissage et les volets étaient bien sortis, je me suis installé sur le sol, le dos appuyé contre un fût en acier, pendant que nous atterrissions. Alors que nous roulions vers notre position de déchargement, les deux premiers bombardiers étaient déjà là. J'ai remarqué que l'ensemble de l'aérodrome, à l'exception de la piste et des voies de circulation, était entièrement marqué par des cratères de bombes.
L'aérodrome avait été la cible des groupes de bombardiers de la 15ème Air Force environ une semaine plus tôt (NDLR : en réalité le 14 août).

Pendant que nous déchargions les bombes, les munitions et les fûts, et que nous pompions le carburant de notre avion, nous avons reçu l'aide des équipes au sol stationnées à Bron. Les bombes, qui avaient été descendues doucement des racks à bombes, ont été roulées sur la zone herbeuse, loin de l'avion. Soudain, toute cette activité s'est arrêtée lorsque nous avons vu une colonne de fumée noire s'échapper du premier avion de la file. De nombreux hommes s'éloignaient en courant de l'avion. Lorsque les flammes sont sorties, la frénésie a commencé autour de l'avion qui nous précédait.

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Notre avion se trouvait à environ 75 pieds (25 mètres) derrière le second et, bien que nous sentions la chaleur des flammes, nous avons terminé le déchargement. À peu près au même moment, les Français des environs de l'aérodrome, attirés par la fumée et l'atterrissage des bombardiers, étaient venus voir ce qui se passait. J'estime qu'il y avait au moins 2000 personnes. C'était difficile à croire, mais les moteurs et les hélices du deuxième avion s'étaient complètement effondrés.La structure tubulaire ne pouvait plus supporter le poids des moteurs et des hélices sous de telles contraintes de chaleur. Toutefois, personne n'a été blessé.

Il était déjà 16 heures lorsque le capitaine Wyllie a dit : 'on dégage d'ici !'. Nous avons contourné par l'herbe le B-24 carbonisé, puis nous avons repris la voie de circulation jusqu'à la position de décollage en bout de piste. Les Français s'étaient alignés des deux côtés sur toute la longueur de la piste en faisant le signe V et en nous acclamant lorsque nous sommes passés en trombe pendant la course au décollage. Si les Français avaient su à quel point leur enthousiasme était dangereux.

Quelques instants après le décollage, le capitaine Wyllie est revenu à l'intercom pour dire qu'il restait très peu de carburant dans trois de nos réservoirs, dont plus de 800 gallons dans le réservoir extérieur droit. Le carburant devait être réparti équitablement : 200 gallons dans chaque réservoir, ce qui serait suffisant pour nous ramener en Italie. Il était également très important que cela soit fait avant que nous n'arrivions à Marseille, car nous ne voulions pas faire un atterrissage d'urgence si l'un de nos moteurs tombait en panne sèche. Des Allemands étaient encerclés dans un fort et lors de notre approche sur l'aéroport de Marseille, il aurait fallu directement survoler ce fort, sachant qu'ils auraient tiré sur tous les avions qui les auraient survolé.

Le B-24 disposait de deux emplacements pour contrôler le transfert de carburant d'un réservoir à l'autre. L'un se trouvait dans le passage vers le compartiment avant, l'autre au centre au-dessus de la soute à bombes. Immédiatement après que le capitaine Wyllie nous ait parlé, le mécanicien de bord à l'avant de l'avion a commencé à transférer le carburant et j'ai couru jusqu'au centre, j'ai grimpé jusqu'en haut de la soute à bombes d'où je pouvais contrôler le transfert du carburant dans les réservoirs extérieurs. Toutes les pompes et les vannes ont fonctionné sans problème, le carburant a été réparti uniformément et nous avons continué.

Lorsque nous sommes arrivés à l'aérodrome, il faisait complètement noir et j'étais un peu inquiet à l'idée d'atterrir, car je ne me souvenais pas avoir vu des avions atterrir de nuit ici. Je n'en suis pas sûr à 100%, mais je crois me souvenir de grands feux de Bengal à chaque extrémité de la piste et de camions et de jeeps dont les phares étaient allumés et marquaient chaque côtés de la piste. Le capitaine Wyllie était un excellent pilote et il a réussi un bel atterrissage.



Charles T. LOMAX


Extrait du journal 'Torretta Flyer n°17' (page 10) : Témoignage de Charles T. LOMAX (461ème Groupe de Bombardement, 764ème escadron), extrait de son journal personnel. Il est originaire de Magnolia dans le New-Jersey.

Mission 20 : Lyon, France, Bombardier n°72, 13 septembre 1944.

Les ponts ferroviaires et routiers sur le Rhône ont été détruits par les Allemands et les troupes alliées et l'Air Force. Il est difficile d'approvisionner nos armées qui ont remonté la vallée du Rhône jusqu'aux environs de Lyon.

Mission 21 : Lyon, France. Bombardier n° 60, 17 septembre 1944.

Nous avons perdu un moteur en route vers Lyon, le temps était mauvais et empirait au fur et à mesure que nous volions vers le nord. Nous avons décidé d'atterrir sur la première piste d'atterrissage disponible et en avons informé notre escadron. Nous devions être prudents car certaines pistes étaient encore utilisées par les Allemands. L'un des membres de l'équipage a repéré un terrain au travers d'une trouée dans les nuages. Nous avons commencé à tourner en rond en descendant pour mieux voir. Lorsque nous l'avons trouvée, il s'agissait d'une piste de P-47 dans un champ agricole. Nous avons décidé d'atterrir sous une pluie battante sur ce petit champ d'aviation. Cela aurait été extrêmement délicat, même dans des conditions idéales. Lorsque nous avons atterri, les roues du train principal se sont bloquées et nous avons glissé sur toute la longueur de la piste puis traversé une route bétonnée jusqu'à nous retrouver dans la boue de l'autre côté... où nous sommes restés coincés. Nous avons passé le reste de la journée à dégager l'avion. Dans l'après-midi, un C-47 transportant un contingent de marins a glissé en bout de piste également et s'est dirigé droit sur nous. Au dernier moment, il a fait un virage de côté, évitant ainsi une collision. Nous étions à Valence, en France, pour une semaine.


NDLR: Le rapport de mission pour le 484ème BG mentionne 'Dès 18 avions qui sont partis, un seul a pu atterrir à Lyon/Bron, et décharger'. Si vous regardez les rapports météo, notamment sur celui du 451ème BG... Ciel couvert à 2000 ft (300 mètres). Aucun des 18 avions du 451ème, ni du 451ème ne rejoindront Lyon-Bron ce jour là.
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Arthur Delmar ALDENE


Extrait du Torretta Flyer n°34 (page 28) : Témoignage d'Art ALDENE.
Né à Moline, Illinois, le 4 août 1922. Art est assistant chef d'équipage. Il travaille de longues heures avec les autres mécaniciens pour maintenir en état de vol les avions du 827ème escadron.

Je ne connais pas la date à laquelle cette mission c'est déroulée. La mission a commencé par l'ordre de retirer tous les mitrailleuses et munitions des tourelles, ainsi que les boîtes de cartouches qui s'y trouvaient. Ensuite, ils ont entièrement retiré la tourelle ventrale et mis des planches sur le trou dans le plancher. Ils ont installé des batteries électriques dans la soute à bombes avant, et dans la soute à bombes arrière, sur le côté droit, ils ont construit un plancher en bois. Sur ce plancher, ils ont placé six boîtes en bois contenant des munitions de calibre 50 et six bidons de cinq gallons d'huile pour moteur d'avion. Sur le côté gauche se trouvaient 3 bombes de 500 livres, et à l'arrière, dans la zone des canons de taille, 15 fûts métalliques vides de 55 gallons.

Après le chargement des avions, ce soir-là, on m'a dit qu'ils avaient décidé qu'un membre de l'équipe au sol devait faire le voyage, car les avions allaient atterrir sur un terrain éloigné de la base, et si de la maintenance était nécessaire pour les ramener à la base, le membre de l'équipe au sol pourrait prendre la décision de faire ce qui serait nécessaire pour cela.
J'ai été choisi pour faire le voyage, et je me suis donc rendu au quartier général du groupe pour un briefing. Ils m'ont expliqué que l'armée alliée avait envahi le sud de la France pour faire diversion, mais qu'après l'invasion de la France en Normandie le 6 juin, l'armée allemande avait décidé de se retirer vers le nord pour y prendre position. L'armée alliée avance donc plus vite que ce que les lignes de ravitaillement ne peuvent faire. L'Air Force avait une base de chasseurs à Lyon qui avait besoin de ravitaillement. Ils soutenaient les forces terrestres dans le nord de la France.
Tout d'abord, nous ne volions pas en formation, car il n'y avait pas de raison d'avoir une formation de type 'bombardement' et il n'y avait aucun moyen de se défendre les uns les autres, puisqu'il n'y avait plus de mitrailleuse. La vallée du Rhône était connue comme un couloir de DCA dans les semaines précédentes, mais cela n'était plus d'actualité à présent.Il était donc recommandé de voler à basse altitude pour ne pas attirer les chasseurs ennemis, et si l'on était gravement endommagé, le seul recours était d'évacuer en parachute. Nous avons donc remonté le fleuve à une altitude si basse que nous avions l'impression de pouvoir regarder dans les fenêtres du 1er étage des villas qui bordaient le Rhône !

Lorsque nous sommes arrivés à Lyon, le lieutenant Rounds posa l'avion lourdement chargé sur une piste en béton, si doucement que l'on n'entendait que le crissement des pneus, mais avant qu'il ne puisse l'arrêter complètement, nous sommes arrivés à la fin de la courte piste. Après avoir aidé au déchargement, nous avons décidé de leur donner 300 gallons d'essence supplémentaires de nos réservoirs extérieures (NDLR : ces réservoirs étaient appelés 'Tokyo tanks'). Puis nous avons décollé pour rentrer à Torretta, où nous sommes arrivés juste avant la tombée de la nuit.
Je ne sais pas combien de missions de ce type ont été effectuées, tout ce que je peux dire c'est que mon tour ne s'est pas représenté. Je pense que la charge que nous avions transportée permettait à un chasseur de tenir une journée.
(NDLR : Le Lieutenant Rounds se rend deux fois à Bron en Septembre, le 11 et le 22. Les B-24 remontaient de Provence à basse altitude pour être le moins visible possible des radars Allemands).

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